Maintenant que nous connaissons le nouveau règlement sur la tenue vestimentaire, j’aimerais que nous prenions tous une grande respiration et que nous réfléchissions à certaines choses avant de porter un jugement rapide.
Je suis convaincu que si vous n’avez pas déjà eu le temps de feuilleter le règlement, vous avez au moins eu l’occasion de monter à la tribune et d’exalter les mérites de votre point de vue auprès des personnes avec qui vous travaillez, jouez et vivez. Je me souviens de discussions où l’on débattait longuement de la vertu des styles capillaires et de leur couleur, des bijoux et des perçages corporels, ainsi que des tatouages faciaux « pernicieux ». Alors que nous allons de l’avant, il serait peut-être bon de nous arrêter un instant pour réfléchir à l’équilibre délicat sur lequel nous jouons en étant authentiques.
Parmi les nombreuses règles que j’essaie de respecter, celle-ci est la première – être authentique.
Être authentique nous invite à puiser dans l’essence même de nos valeurs, croyances, principes et morales. Si c’est le cas, il faudrait vraiment comprendre ses motivations avant d’adopter une coiffure bleue dans un uniforme vert.
Quelle est la différence entre identité et individualité? La réponse à la question « est-ce que je fais cela pour exprimer qui je suis » peut être bien différente selon l’échelle que vous utilisez.
Réfléchissons aux tatouages faciaux. Malgré ce que nous pouvons en penser, il existe quelques raisons culturelles légitimes pour lesquelles un militaire canadien pourrait en porter. Le tatouage du visage est une tradition perpétuée par de nombreux groupes ethniques au Canada. Il semblerait assez obtus et franchement malhonnête de classer les tatouages yidiiltoo des Cris, les iskwew-asasow et kakiniit des Inuits puis les tavlugun des Iñupiat dans la même catégorie que le hip-hop et la sous-culture carcérale.
Alors que les gens deviennent plus libres d’exprimer leur identité culturelle, nous assistons, d’un côté à une renaissance des liens ancestraux et des pratiques culturelles. De l’autre côté, je dirais que nous sommes témoins d’une infraction claire à la bonne réputation des Forces armées canadiennes (FAC). Imaginez ce qu’il se produirait si vous deviez justifier votre tatouage facial chaque fois que quelqu’un a un problème avec votre apparence – soit ma culture projette un mauvais reflet sur l’institution, soit l’institution jette un mauvais regard sur moi.
Je me souviens des premières discussions relatives à mon apparence soulevées la première fois que j’ai sollicité des accommodements pour pouvoir laisser ma barbe pousser, porter ma bague de serment et avoir le bas du crâne rasé. Je portais l’uniforme depuis déjà 20 ans et j’avais adhéré aux précédents règlements sur la tenue, alors pourquoi voulais-je faire ceci?
En bref, j’ai pensé qu’il était important pour mes semblables idolâtres et païens de savoir qu’il y a une place pour nous en uniforme. De plus, il était temps de montrer à ceux et celles qui ne sont pas en service qu’il était enfin sécuritaire de « sortir du placard à balais » – la spiritualité ancrée dans la Terre ne continuera pas nécessairement d’être marginalisée.
En tant qu’ainé et sous-officier supérieur, je considère qu’il est de mon devoir d’être visible afin que ceux qui aspirent à porter l’uniforme (ou non) puissent également être inspirés à être authentiques. En fait, je suis honoré d’avoir ce privilège.
Pour moi, m’exprimer en fonction de l’identité collective est une mesure bien plus efficace que mes pensées sur mon individualité. Je suis païen nordique. Je participe aux aspects culturels de ma foi, et je ressemble donc à un païen nordique. Je suis aussi, entre autres, un père, un amateur de moto, et un Québécois bilingue.
Il existe cependant des aspects de mon « individualité » qui me distinguent de chacun de ces groupes et que je n’ai pas besoin d’exprimer pour être mon « moi authentique » – et encore moins pour être « moi » en uniforme. Après tout, être membre actif des FAC fait également partie de mon identité. Cette identité doit également être exprimée de manière adéquate. Être authentique concerne bien moins mes droits à l’expression de soi que ma responsabilité d’appliquer un jugement pour atteindre un bon équilibre.
Par : L’adjudant Patrick Richer, Adj Ele Nor Instr Maint Air à l’ETGAFC, chef de groupe confessionnel de la communauté païenne de la BFC Borden