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La double signification de l’art monochromatique

Il est 3 h du matin.

Une petite lampe peine à éclairer le coin de la salle à manger, où se trouve un atelier d’art improvisé. Dans cette lueur, Jay Baker est penché devant son chevalet.

À portée de main se trouve un verre de Disaronno avec des canneberges. Sur un meuble non loin, un chat tape sur des pinceaux. De la douce musique classique complète l’atmosphère de quiétude.

« Je peins la plupart de mes tableaux en pleine nuit pour avoir l’esprit calme; la musique apaisante m’aide à atteindre cette tranquillité. Cependant, je dois souvent discipliner le chat lorsque je peins », dit Baker.

Âgé de 47 ans, le vétéran de Pembroke (Ontario) essaie de vaincre l’insomnie et affirme que la peinture nocturne l’aide à relaxer, surtout après une journée stressante et mouvementée.

« J’avais de la difficulté à dormir, mon psychologue m’a donc suggéré d’essayer de peinturer le soir afin de me détendre avant d’aller dormir. Je l’ai essayé, et je continue à le faire depuis ce jour. »

Jay a quitté les forces armées l’an dernier, après une carrière de 27 ans en tant qu’officier d’infanterie à la Réserve de l’Armée avec The Grey and Simcoe Foresters à Barrie (Ontario), puis en tant que technicien de systèmes d’information et de communications terrestres pour la Force régulière en 2008.

Il est atteint d’une rare affection qui se répercute dans son art : le monochromatisme. Il s’agit d’un daltonisme complet, où la personne atteinte voit toutes les couleurs sous plusieurs teintes d’une seule couleur.

À cause de cette affection, il se concentre davantage sur les textures que sur les couleurs; les textures créées avec des coups de pinceau sont plus éloquentes.

« Lorsque je peins, je suis conscient de ces textures et je tente de les incorporer à mon art pour le rendre plus intéressant. C’est une chose de peindre une vague bleue, mais ça en est une autre d’ajouter de la texture à ce bleu afin de donner du mouvement à la vague et de la rendre réaliste. » Il se sert du bleu comme couleur principale, car il peut jouer facilement avec les différentes teintes, contrairement au rouge qui peut facilement virer au rose. Il peint généralement des paysages sur une toile avec de la peinture acrylique.

« J’aime le mouvement des vagues lorsqu’elles frappent les rochers, le brouillard qui avance gracieusement et le vent qui caresse les arbres. On peut presque entendre le son de l’océan et sentir l’eau salée. »

Ses peintures sont inspirées par les instants de calme au milieu du chaos, qui lui rappellent les aubes et les nuits lorsqu’il était sentinelle en poste.

« C’est le calme plat, seulement les cimes des arbres se balancent doucement. Les étoiles brillent de mille feux et la lune est volumineuse. Le brouillard s’installe tranquillement, silencieusement. L’air est frais. C’est l’apogée de la quiétude, et vous seul en profitez. »

Lorsqu’il a le syndrome de la toile blanche, Baker prend inspiration de Bob Ross.

« J’adore Bob Ross et ses petits arbres du bonheur. Son attitude décontractée envers la peinture favorise une application plus sereine de la peinture sur la toile. Il n’y a pas de mauvaise façon de le faire ni de structure formelle à suivre. Cette attitude vous permet d’appliquer de la peinture comme bon vous semble, et pour lui, la peinture est aussi un moyen d’évacuer le stress. »

La plupart des œuvres de Baker sont vendues; il en fait la promotion sur son compte Instagram : @jaybak11.

Lorsqu’il ne s’adonne pas à la peinture, Baker effectue des rénovations de sa maison et fait du bénévolat auprès de Quilts of Valour, où il coud des courtepointes pour les militaires blessés. Il aime également travailler le bois; il a d’ailleurs fabriqué les bacs à fleurs qui se trouvent à l’extérieur de son atelier d’art dans la salle à manger.

Il est l’un des nombreux artistes dont les œuvres sont exposées à la galerie d’art The Steel Spirit, qui met de l’avant le travail des vétérans et des premiers répondants.

« Jay est un artiste talentueux, et il a à peine commencé à approfondir son art », dit Barbara Brown, fondatrice de la galerie d’art. « Son désir d’explorer de nouvelles choses est vraiment inspirant, puisque la plupart des gens sont très critiques envers eux-mêmes et évitent de se lancer dans de nouveaux passetemps. Il peinture avec des couleurs qu’il ne peut même pas discerner, c’est tellement inspirant. »

The Steel Spirit est toujours à la recherche de nouveaux artistes émergents de toutes origines et de tous âges, qu’ils aient de l’expérience ou non. Pour de plus amples renseignements, visitez le site www.thesteelspirit.ca (en anglais seulement).

Par : Kateryna Bandura, éditrice du Lookout