Des premiers pas à une course de 385 kilomètres : récit du courage et de la détermination d’un coureur
Dans le monde des sports d’endurance, peu de récits permettent de saisir l’essence de la résilience et de la détermination humaines avec autant de vivacité que celui du capitaine (Capt) Jocelyn Roméo Bourque, ce coureur occasionnel devenu ultramarathonien qui a conquis certains des sentiers les plus ardus au monde.
Le Capt Bourque s’est enrôlé dans les Forces armées canadiennes (FAC) en 2014. Il a terminé ses études et l’instruction de pilote en 2019 et, depuis, est affecté au 430e Escadron tactique d’hélicoptères à la BFC Valcartier, au Québec.
Les débuts du Capt Bourque sont modestes : une nouvelle paire de chaussures et une simple course éveillent une passion qui le poussera à terminer un premier demi-marathon en 2012. Chaque année, le Capt Bourque a repoussé de nouvelles limites et a participé à des épreuves de plus en plus longues, soit un marathon complet, des parcours de 50 miles, puis de 100 kilomètres et plus, pour terminer par une course remarquable de 110 kilomètres. Le Capt Bourque s’est rappelé sa première expérience de course, en révélant l’étincelle à l’origine de sa motivation.
« Un jour, j’ai acheté de nouvelles chaussures, a-t-il expliqué. Je suis allé courir une fois, puis une autre, et je me suis dit : “C’est seulement trois fois de plus que cette distance; peut-être que je pourrais y arriver.” »
Connue sous le nom d’Ultra Trail di Corsica (UTC), l’épreuve de 110 kilomètres se déroule dans les montagnes de la Corse, une île française à côté de l’Italie, et la piste présente un dénivelé de 7 200 mètres.
Lors de la course UTC, qui a commencé le soir du 9 juillet 2023 à 23 h, le Capt Bourque a représenté le Canada à titre de meilleur participant canadien en obtenant la 114e position.
Il a dû faire face à la fatigue en raison de l’heure tardive du départ, en plus de lutter constamment contre la déshydratation et l’épuisement par la chaleur en parcourant les sentiers rocailleux.
Cependant, cette course n’était pas seulement une épreuve de distance, mais aussi un formidable défi sur les plans du terrain et de l’endurance. Le Capt Bourque a parcouru des sentiers vastes et complexes, nécessitant de la souplesse tant mentale que physique.
« C’était la course la plus longue que j’ai jamais effectuée, a-t-il indiqué. L’aspect technique du sentier était si exigeant que je ne pouvais pas vraiment éteindre mon cerveau. »
Contrairement aux courses précédentes, celle-ci a été exténuante pour le Capt Bourque qui a dû faire plusieurs siestes stratégiques au cours de l’épreuve de près de 34 heures, pendant laquelle la pluie et l’obscurité ont ajouté un élément d’agitation psychologique.
Ce ne sont pas seulement les distances parcourues qui distinguent l’expérience du Capt Bourque, mais aussi le combat rude et direct qu’il a livré pour repousser ses limites personnelles. Il se souvient parfaitement des nombreux moments de doute, de l’envie d’abandonner et des hauts et des bas inhérents à un parcours aussi ardu.
« Je n’ai jamais eu autant envie d’abandonner une course. Je ne me suis jamais autant demandé pourquoi je me trouvais là, » a-t-il affirmé.
Selon le Capt Bourque, la préparation à de telles courses va au-delà de l’entraînement physique. Comme le Capt Bourque habite dans une région au terrain plat, il a dû improviser et a effectué des répétitions en montée dans des endroits locaux. Il a fait preuve de la créativité et de la détermination requises dans le cadre de telles entreprises. Cependant, il a surtout insisté sur l’aspect mental, sur la nécessité de persévérer et de continuer à avancer, une philosophie qu’il applique à toutes les facettes de la vie.
« Les difficultés sont davantage mentales que physiques, a souligné le Capt Bourque. L’aspect physique est incontestable, mais en fin de compte, surtout lorsque l’on parcourt une telle distance, il s’agit surtout de marcher. »
L’expérience militaire du Capt Bourque lui a donné une perspective unique sur la discipline et la force mentale, mais il attribue l’amélioration de son rendement dans les forces armées à la course à pied et non le contraire.
« La course à pied a eu un effet plus positif sur mon rendement dans les forces armées que l’inverse », a-t-il expliqué.
Le Capt Bourque a révélé l’émotion pure et le soulagement qu’il a ressentis en franchissant la ligne d’arrivée après un effort aussi monumental, ayant terminé l’épreuve en 33 heures, 39 minutes et 9 secondes. La course contre la montre, l’empressement d’arriver à temps et l’épuisement total ne font qu’accentuer l’immensité de l’exploit.
« J’étais tellement heureux que tout soit terminé », se rappelle le Capt Bourque.
En réfléchissant à son parcours, le Capt Bourque a fait ressortir les répercussions plus vastes de son expérience. La course s’est avérée une leçon d’humilité et a remis en cause ses idées préconçues sur ses capacités et l’a obligé à réévaluer son approche liée aux ultramarathons.
« Cette épreuve m’a rendu humble, admet-il. Je n’ai jamais été aussi proche de mon point de rupture, mais j’ai réussi à m’en sortir. »
L’histoire du Capt Bourque ne se limite pas à la course à pied. Elle montre la valeur de faire face à la vie, d’embrasser l’inconnu et de découvrir sa force dans l’adversité. C’est un récit qui trouve écho au-delà des sentiers et inspire d’autres personnes à relever leurs défis, qu’il s’agisse de sports, de projets personnels ou de la poursuite d’objectifs qui semblent inatteignables.
L’exploit le plus récent du Capt Bourque est la plus longue course à laquelle celui-ci a participé, dont le parcours de 385 km a duré plus de 89 heures. Se déroulant dans le désert et les montagnes de Moab, dans l’Utah, l’ultramarathon Moab 240 présente un dénivelé positif extrême, et 88 des 200 participants ne l’ont pas terminé, ce qui représente un taux de réussite de 56 %, taux le plus faible du marathon depuis 2019.
Pour les 170 derniers miles du Moab 240, les coureurs pouvaient se faire assister d’un meneur d’allure, qui est généralement chargé d’aider le coureur à effectuer le parcours et à maintenir un rythme sain ainsi que de l’encourager à se reposer et à s’alimenter lorsque nécessaire.
Le Capt Bourque était accompagné d’un stimulateur cardiaque qui l’a aidé pendant 100 milles, lui racontant des histoires pour le maintenir éveillé et s’assurant qu’il faisait ce qui était nécessaire pour continuer à avancer, même s’il était très fatigué.
Pour le Capt Bourque, l’élément le plus marquant a tout simplement été de se rendre sur les lieux du Moab 240, car, selon sa description, le parcours passait parfois d’un extrême à l’autre, allant de la chaleur sèche du désert à l’air vivifiant des sentiers de montagne enneigés.
Les conditions de la Moab 240 n’étaient pas entièrement favorables, cependant, car la forte inclinaison du parcours a eu un impact sur la capacité du capitaine Bourque à poursuivre la course le troisième jour. Selon le capitaine Bourque, le moment le plus difficile est survenu lorsqu’il a croisé deux concurrents qui déliraient complètement en raison du manque de sommeil, de la déshydratation et des blessures.
Un coureur égaré avait parcouru six miles supplémentaires en raison de la panne de son téléphone portable, son principal outil de navigation. Après être resté avec le coureur en délire pendant un certain temps et lui avoir donné de l’eau et des provisions, le Capt Bourque s’est demandé s’il devait continuer de s’aventurer plus loin, mais, en fin de compte, son meneur d’allure est resté en arrière pour aider le concurrent perdu. Le Capt Bourque a couru jusqu’au prochain poste de secours à 5 km de distance.
Au cours de son périple, le capitaine Bourque a croisé un deuxième coureur qui avait fait une mauvaise chute sur le sentier. Une bosse de la taille d’une balle de softball enflait dans le dos de l’homme, qui parlait de façon incohérente.
« Il avait l’air d’un zombie, a affirmé le Capt Bourque. Il était à peine capable de marcher, et son meneur d’allure lui tapait dans le dos en lui disant : “Continue, continue à soulever tes bâtons.” Puis son meneur d’allure l’a lâché et il s’est éloigné du sentier pour aller dans les bois, alors son meneur d’allure l’a attrapé par le gilet et l’a ramené sur le sentier. »
En arrivant à l’arrêt désigné, le capitaine Bourque a informé son équipe et celle du coureur égaré de ce qui s’était passé. Le personnel médical est envoyé sur place, mais la réaction nonchalante de l’équipe du coureur « zombie » déconcerte le capitaine Bourque.
« Pourquoi les gens participent-ils à ces courses si l’on finit par se trouver dans cet état en courant 200 miles sans dormir?, s’est demandé le Capt Bourque. [Le coureur zombie] avait besoin de s’allonger et de faire une sieste, mais il a fini par abandonner au poste de secours à cause de son dos. Après avoir vu cela, je me suis dit que ces courses étaient ridicules. Pourquoi voudrait-on faire ça? »
Pendant toute la section suivante du Moab 240, le Capt Bourque s’est demandé pourquoi il courait un ultramarathon de 240 miles, surtout lorsque cela entraîne de telles répercussions négatives sur le corps.
Lorsqu’il a franchi la ligne d’arrivée, le Capt Bourque était tellement épuisé mentalement et physiquement qu’il avait du mal à concevoir qu’il avait terminé la course. Toutefois, la véritable beauté de la compétition réside dans le parcours.
« C’était presque surréel, a-t-il expliqué. J’ai eu l’impression de me téléporter parce qu’il y avait 12 heures de clarté et 12 heures d’obscurité. »
Étant donné le dénivelé, le Capt Bourque et son meneur d’allure se sont retrouvés dans des zones montagneuses, où ils ont pu admirer le lever du soleil à 10 000 pieds d’altitude et observer le soleil qui réchauffe le sol en changeant complètement l’environnement. Il a même eu l’occasion de voir des cerfs sauvages à différents moments de la course.
« C’était magnifique », a-t-il affirmé.
Alors qu’il continue de tracer son chemin dans le monde, le Capt Bourque demeure une source d’inspiration, incarnant l’esprit d’endurance et de résilience qui définit l’essence même du sport et des FAC. Son parcours témoigne de la capacité de l’esprit humain à surmonter et à endurer les difficultés ainsi qu’à les vaincre.
« [Terminer le Moab 240] montre que ce que nous pensons être possible est tout à fait relatif et que les limites perçues ne sont pas fixes », a-t-il souligné.
Par Caleb Hooper