Gordon Quan, 96 ans, ancien combattant de la Seconde Guerre mondiale, a une histoire captivante à raconter. En effet, pendant les derniers mois de la guerre, il a travaillé dans le plus grand secret en Asie du Sud-Est.
Ce Sino-Canadien a eu l’occasion de se joindre au combat en 1944, après que le gouvernement canadien eut autorisé un groupe restreint de 600 Sino-Canadiens à s’enrôler.
Après avoir reçu une instruction de base en Saskatchewan, il a été affecté en Angleterre pour y être formé par les services secrets britanniques. M. Quan et d’autres Sino-Canadiens ont rejoint la Force spéciale 136, une branche du Special Operations Executive britannique.
Les Sino-Canadiens étaient considérés comme des recrues idéales pour combattre les Japonais, car ils pouvaient se fondre dans la population locale et comprendre certaines langues de l’Asie du Sud-Est, explique M. Quan.
En 1945, après que la guerre en Europe fut terminée, l’agent spécial Quan est envoyé en Malaisie, en Birmanie et en Inde en tant qu’agent secret. Sa mission consistait à saboter les forces impérialistes japonaises en utilisant ses compétences en destruction.
« Nous étions formés en petits groupes de 15 personnes, ce qui nous permettait d’être efficaces pour détruire et perturber les lignes d’approvisionnement, les dépôts de carburant, les dépôts de munitions, les réseaux de transport et autres infrastructures contrôlées par les Japonais. »
Son service n’a duré que quelques mois avant que la guerre avec le Japon ne prenne fin après le bombardement d’Hiroshima et de Nagasaki. M. Quan pense que l’utilisation de la bombe H était un mal nécessaire de la guerre.
« Lorsque les Américains ont utilisé cette arme sur le Japon, cela nous a donné la possibilité de survivre », dit-il. « Le monde aurait été complètement changé si les Japonais et les Allemands avaient maintenu leur contrôle ».
Il a peu de souvenirs précis de ses expériences en tant qu’agent secret, et beaucoup d’autres qu’il préfère oublier.
« Cela se résumait vraiment à un choix entre tuer ou être tué, c’est pourquoi il est souvent pénible de se souvenir ou de penser à ces moments », explique-t-il.
Quan a été libéré de l’armée en 1946 et il est retourné à Victoria. Avec l’aide des Anciens Combattants, il a suivi une formation professionnelle en mécanique automobile et en mécanique de véhicules lourds. Plus tard, il a décroché des emplois dans le secteur de la construction privée et au service des travaux publics de la ville de Victoria. Il dit avoir été le premier Canadien d’origine chinoise à y travailler.
Il a également poursuivi son service militaire dans la Réserve de l’Armée à partir de 1952; il a atteint le grade de sergent-major avant de prendre sa retraite en 1983.
Pendant cette période, il a servi le 40e Escadron technique en tant qu’artisan, le 155e Corps royal de l’intendance de l’Armée canadienne et, plus tard, le 39e Bataillon des services.
Il attribue à cette expérience militaire une grande partie de son succès après la guerre.
« Mon engagement militaire m’a donné beaucoup d’occasions, et permis de m’instruire pour apprendre un métier. Si je n’avais pas reçu cette instruction, je n’aurais jamais obtenu d’emploi à la ville de Victoria. J’ai toujours cru à l’époque que l’armée transformait les garçons en hommes. »
Ses cinq enfants, trois fils et deux filles, ses cinq petits-enfants et ses cinq arrière-petits-enfants lui rendent souvent visite à son domicile de Victoria.
Il est membre à vie de la Légion royale canadienne, où il a déjà été sergent d’armes du Pacifique no 7, et de l’Association des anciens combattants Sino-Canadiens de Victoria.
En 2012, M. Quan a participé à un documentaire de l’Office national du film du Canada, Opération Oblivion, qui raconte l’histoire de 13 Sino-Canadiens recrutés dans la Force 136. Son histoire est également présentée dans une exposition au Musée militaire canadien chinois de Vancouver, intitulée Rumble in the Jungle : The Story of Force 136.
Par : Peter Mallett, rédacteur attitré, The Lookout Newspaper (journal des Forces canadiennes)