Home En vedette Les arts visuels atténuent le mal invisible d’une militaire

Les arts visuels atténuent le mal invisible d’une militaire

La caporale-chef Bridget Cucksey se souvient de son premier épisode de céphalée vasculaire de Horton (affection tristement surnommée « la migraine du suicide »), lors d’une mission en Afghanistan, en 2010.

« Je me suis réveillée en pleine nuit, ne faisant que répéter que je voulais mourir », se remémore-t-elle. « Ma co-chambreuse a sauté hors du lit pour aller prévenir notre adjudant et me faire transporter d’urgence à l’hôpital. »

La Cplc Cucksey est technicienne des systèmes de communication au sein de la branche des spécialistes des systèmes de communication et d’information à la Station des Forces canadiennes Leitrim, à Ottawa. Les médecins n’ont pu lui confirmer son diagnostic qu’en 2019, après qu’elle ait vécu une année ponctuée de crises de migraine.

La céphalée vasculaire de Horton touche moins de 0,1 % de la population. Elle entraîne d’importantes douleurs localisées d’un côté du crâne, généralement dans la région de l’œil et de la tempe, qui peuvent parfois aussi se propager. Bien que l’affection pousse rarement au suicide, les personnes qui en sont atteintes peuvent avoir des pensées suicidaires, de là son surnom.

« On ne connaît pas l’origine de ces migraines ni ses déclencheurs, qui diffèrent pour la plupart des gens », explique la caporale-chef. « Vous ne sauriez probablement pas que je suis atteinte de cette maladie si vous me rencontriez. »

Bridget Cucksey prend des médicaments d’ordonnance et a presque toujours avec elle une bonbonne d’oxygène, mais c’est dans l’art et le yoga qu’elle trouve le plus grand réconfort.

En 2021, après plus d’une décennie sans toucher aux crayons de couleur, elle se remet au dessin et illustre pour la première fois un poulet. L’art l’accompagne depuis ce jour.

« L’art m’a grandement aidée à maintenir mon équilibre mental », dit-elle. « Lorsque je suis concentrée sur une activité artistique, mon cerveau se repose, uniquement occupé à trouver des formes et à amalgamer des couleurs. »

Le parcours

Il y a 15 ans, en 2007, la Cplc Cucksey s’enrôle dans l’armée, mettant de côté son rêve de carrière en graphisme.

Elle est affectée au quartier général du 2e Groupe-brigade mécanisé du Canada et à l’Escadron de transmissions de la base des Forces canadiennes Petawawa, après quoi elle participe à une mission en Afghanistan. Elle fait également partie du 21e Régiment de guerre électronique à Kingston, en Ontario, et prend part à un déploiement de six mois à la Station des Forces canadiennes (SFC) Alert, pendant son service au Centre de la sécurité des télécommunications des Forces armées canadiennes Leitrim, à Ottawa.

Aujourd’hui, la caporale-chef passe plusieurs heures par semaine à créer dans son atelier, aménagé dans sa maison d’Embrun, en Ontario. Elle s’intéresse à des médiums et techniques variés, mais elle privilégie le crayon de couleur, la peinture acrylique et la création à partir de mousses. Elle suit aussi des cours de peinture à l’huile chaque semaine.

La nouvelle vie

La Cplc Cucksey raconte qu’elle a produit l’une de ses toiles, intitulée Red Geraniums, en 2021. L’œuvre (un acrylique sur toile) visait à illustrer les sentiments qui l’habitent pendant ses migraines. Les touches de bleu, de violet et de vert parsemées entre les fleurs ajoutent morosité et noirceur à l’éclat des géraniums rouges par une journée ensoleillée.

« J’ai fait cette peinture dans la quasi-obscurité en raison de mon état, ce qui a représenté tout un défi, car je cherche toujours à m’investir totalement dans la démarche », se rappelle-t-elle. « Je vois mon art comme un mécanisme de gestion de la douleur. Je me débranche ainsi le cerveau et j’évite de penser à mes prochaines crises. »

Un café local d’Ottawa a déjà manifesté de l’intérêt envers ses créations. Plus tôt cette année, la Cplc Cucksey a également présenté Red Geraniums à la galerie d’art Steel Spirit, fondée en 2017 par Barbara Brown, une ancienne ambulancière. La galerie expose des œuvres d’art uniques de militaires, de policiers, de pompiers, d’ambulanciers, de praticiens en milieu hospitalier et d’autres premiers répondants.

« Steel Spirit est un incroyable tremplin vers la communauté artistique », souligne la Cplc Cucksey. « J’ai beaucoup appris sur moi-même et ma démarche artistique en travaillant avec Barbara. »

Les récents projets artistiques de la caporale-chef Bridget Cucksey la dirigeront vers une nouvelle carrière dans les arts, après sa libération des Forces armées canadiennes (FAC) pour des raisons médicales (d’ici un an). Elle aime son travail dans les FAC, et elle le quittera avec un pincement au cœur.

« L’esprit de communauté et les amitiés tissées dans les FAC me manqueront particulièrement. J’ai le sentiment de laisser des membres de ma propre famille », résume-t-elle. « Par contre, l’art va m’aider à tourner la page. »

La galerie Steel Spirit est toujours à la recherche d’artistes nouveaux et émergents, avec ou sans expérience, de tous horizons et de tous âges. Pour en savoir plus à son sujet, visitez : www.thesteelspirit.ca.

Par : Peter Mallett, rédacteur attitré, The Lookout (journal des FAC)