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Un combat pour le retour au niveau Platine

Photo : Cpl Lynette Ai Dang, section d’imagerie de la 16e Escadre

Après 25 ans passés dans les Forces armées canadiennes (FAC), l’Adjum Randy Dowden a subi une grave blessure physique qui l’a amené à prévoir un départ prématuré du service. Grâce à un soutien dont il n’aurait jamais pensé avoir besoin, il est ici aujourd’hui et en bonne santé — à plus d’un titre.

Platine

L’Adjum Dowden, surintendant de l’escadron des normes et de l’innovation de l’École de technologie et du génie aérospatial des Forces canadiennes (ETGAFC), a reçu le surnom de M. Platine après avoir obtenu le très convoité niveau Platine à l’évaluation FORCE, un test de conditionnement physique annuel qui permet de s’assurer que les membres actifs des FAC répondent aux exigences physiques minimales nécessaires à l’exécution des tâches militaires courantes.

En raison des fermetures imposées aux gymnases, rester en forme pendant la pandémie a été un véritable parcours du combattant. Il a fait de son mieux tandis qu’il travaillait de chez lui, mais lorsque le gymnase de la base a rouvert et que le moment est venu de procéder à l’évaluation FORCE en août 2021, il a pris une décision qui a changé sa vie. S’attendant à ce que son corps fonctionne comme il l’a toujours fait, il s’est lancé à fond dans la partie de l’épreuve pratique consacrée à la traction, un exercice qui simule la traction d’un collègue au sol avec tout son équipement, en plus son propre poids.

« En y pensant, j’aurais pu réaliser toutes les autres simulations », déclare l’Adjum Dowden. « la course navette, courir, m’accroupir — mais cette simulation précise, c’était au-delà du possible. Deux cent soixante-dix livres à tirer vers l’arrière. »

Après avoir terminé l’exercice, l’instructeur de conditionnement physique lui a demandé s’il allait bien, ayant remarqué qu’il avait vacillé à mi-chemin.

« Ouais, je vais bien », se souvient-il leur avoir dit, prompt à les écarter. « Je suis M. Platine. N’oubliez pas. »

Seulement, le lendemain matin, il n’arrivait même pas à descendre ses escaliers. Les deux genoux étaient gravement blessés et, au bout de deux jours, l’enflure et la douleur étaient telles qu’il s’est retrouvé à l’hôpital. Il a ensuite entamé le long processus de physiothérapie à Angus, suivi d’une rééducation dans le gymnase auxiliaire de la base avec un instructeur du conditionnement physique et des sports des programmes de soutien du personnel (PSP).

La blessure invisible

Six mois auparavant, l’Adjum Dowden avait perdu sa mère. À cette époque, les aéroports du monde entier étaient encore fermés, ce qui l’a empêché de se rendre à Trinité-et-Tobago afin d’être auprès d’elle à l’hôpital et de se rendre aux funérailles.

« Il fallait l’accepter et faire avec », explique-t-il. « Donc ce que vous faites, c’est que vous essayez de supporter. Vous comprenez? Et c’est là que les choses se sont jouées. C’est précisément . »

Il ne se doutait pas que l’impact de la perte de sa mère était en train de le miner insidieusement. La blessure physique a fait apparaître cette souffrance au grand jour.

L’Adjum Randy Dowden, surintendant de l’escadron des normes et de l’innovation de l’École de technologie et du génie aérospatial des Forces canadiennes (ETGAFC).

« Un jour, j’étais au travail et tout d’un coup, tout est devenu bizarre. Et j’ai commencé à transpirer. Et mes mains ont commencé à trembler. » Il prend une profonde inspiration en se souvenant de cela, et dit : « Rien que le fait d’y repenser est effrayant. »

Ces symptômes se produisaient souvent, avant d’aller à des réunions, des séminaires et des cérémonies, à tel point qu’il devait parfois se retirer. Il n’avait jamais rien vécu de semblable. Mais comme il ne s’agissait pas d’une blessure physique, il ne l’a dit à personne. Il ne dormait pas non plus, une peur en lui qu’il ne pouvait ni comprendre ni expliquer et qui lui faisait penser que s’il s’endormait, il ne se réveillerait plus. Chaque fois qu’il s’endormait, il se réveillait en sursaut, le cœur battant la chamade.

« Tu es M. Platine », se disait-il alors. « Tu ne peux pas dire ça aux gens. Ils vont penser que tu es faible. »

Alors il a fait avec. Partant du principe qu’il devait s’agir de quelque chose du type trouble affectif saisonnier (TAS), il a essayé de traiter les symptômes, qu’il sait maintenant être le stress, la dépression et la fatigue, à l’aide de lampes de luminothérapie.

« Je croyais que je gérais la situation. Mais je brûlais la chandelle par les deux bouts, toujours un peu plus. Puis, est arrivé le moment où mon cerveau a été incapable de suivre. »

Perte de contrôle

Les choses ont atteint le point de rupture lorsqu’il a failli s’évanouir en descendant les escaliers chez lui. C’était la première fois qu’il s’avouait qu’il ne pouvait pas s’en sortir tout seul.

« Ma tête m’a juste dit : tu as perdu le contrôle, mon garçon. Tu dois te rendre. Parce qu’ils vont te trouver ici, et tu seras mort. »

Bien que cela n’ait pas été pas facile, il a consulté un médecin aux Services de santé de la BFC Borden, quelques mois après s’être blessé aux genoux.

« Je parlais avec le médecin dans l’une des salles d’examen, épuisé mentalement et incapable de parler ou de penser clairement. D’une voix apaisante, elle m’a regardé et m’a dit « Vous pouvez me parler. » Et je me suis effondré. »

Un long parcours

En plus de bénéficier d’une période de congé, l’Adjum Dowden a été dirigé vers l’équipe de santé mentale de la BFC Borden. Mais à sa première visite, il a failli repartir par peur d’être reconnu.

« Je me suis arrêté et je me suis dit, tu es adjudant. En uniforme. Ça ne fait pas bon effet. Tu devrais peut-être faire demi-tour. »

La honte l’a empêché de partager ouvertement sa situation, même avec sa famille et ses amis proches. Mais avec le temps, plus il s’ouvrait, plus il réalisait qu’il se faisait aider pour quelque chose qu’il lui échappait. À l’époque, à 55 ans, il avait déjà accepté que la seule solution possible était de quitter les Forces. Il voulait partir tant qu’il était encore sur pied. Il se préparait à vider son bureau, avait fixé la date de sa libération et avait rempli les papiers nécessaires, et avait rencontré le Centre de transition au sujet du passage à un poste civil, se préparant à son départ après 25 ans de service.

« Au fond de moi, je savais que ce n’était pas vraiment ce que je voulais. Je voulais juste garder mon uniforme et continuer à travailler », explique-t-il. « Mes facultés cognitives et mon jugement étaient altérés, la prudence était absente. Je prenais des décisions irrationnelles, et c’est ce qui arrive quand on n’est pas bien. »

Rétablissement physique

Grâce à une thérapie soutenue en vue de réparer sa blessure physique et à des médicaments visant à améliorer son sommeil et sa santé mentale, il a commencé à avoir de l’espoir dans son propre rétablissement complet, tant sur le plan physique que mental.

Il a continué à s’entraîner avec le personnel des PSP au gymnase, où sa capacité à faire une flexion des jambes s’est vue multipliée par deux, puis par trois. Puis, il a fini par réussir à monter les escaliers.

« Chaque jour où je ressentais la moindre amélioration était un jour meilleur. »

Son objectif est passé d’arriver à marcher sans douleur à celui de retrouver le statut de Platine qu’il avait un an auparavant.

L’Adjum Randy Dowden (au centre) avec le personnel du conditionnement physique et des sports des PSP après avoir obtenu le statut de Platine pour la deuxième fois en mai 2022. (Photo soumise)

Retour à M. Platine

En mai 2022, il a réalisé que ce n’était pas un rêve impossible lorsqu’il a passé deux épreuves pratiques de l’évaluation FORCE. Le personnel du conditionnement physique et des sports des PSP l’a suivi dans son processus de rétablissement, l’a aidé et l’a regardé s’entraîner pendant des mois. Qu’il réussisse l’évaluation, et ce sans douleur, était leur objectif. Mais pour l’Adjum Dowden, c’était le niveau Platine ou rien.

« C’est quelque chose qui est inscrit en nous, les militaires, nous voulons toujours être les meilleurs », dit-il, en riant et en expliquant que s’il y avait quelque chose au-delà du Platine, alors le Platine ne serait pas assez bon pour lui non plus.

Cette fois, il ne s’est pas contenté de se préparer physiquement, il a veillé à accorder une attention toute particulière à son alimentation et son état d’esprit lors de l’entraînement.

Il a accompli les trois premières tâches l’une après l’autre, en vérifiant au fur et à mesure qu’il respectait les exigences de la qualification Platine. La dernière tâche de l’épreuve était la traction de sacs de sable, celle-là même où il s’était blessé l’année précédente.

Pour obtenir le Platine, il devait traîner 270 livres sur 20 mètres en moins de 14 secondes. Il l’a fait en 11,6 secondes. 

Avec le personnel des PSP présent pour l’encourager et fêter la victoire, il a eu l’impression de se tenir sur le ring de l’Octogone, la main levée, et d’entendre la foule en délire.

« Pour certaines personnes, cela ne signifie rien », déclare-t-il à propos de l’obtention du statut de Platine, avec un large sourire. « Pour moi, cela signifie beaucoup. »

Une expérience qui force l’humilité

Aujourd’hui, l’Adjum Dowden est heureux, en bonne santé et de retour au travail dans l’uniforme qu’il aime, reconnaissant d’avoir obtenu l’aide dont il avait besoin. Et il fait en sorte d’utiliser cette expérience pour aider les autres.

« Cela m’a ouvert les yeux pour devenir une meilleure personne et un meilleur leader. »

Non seulement il s’assure d’être attentif et compatissant, comme il ne l’a jamais été auparavant, aux problèmes de santé invisibles auxquels n’importe qui, quel que soit son grade, peut être confronté, mais il partage son histoire avec les stagiaires de l’ETGAFC aussi souvent que possible, et il est souvent accueilli dans les couloirs par un amical « Bonjour, M. Platine! »

« Jusqu’à aujourd’hui, je repense encore à certaines situations qui étaient insupportables mentalement, et intérieurement, je souris et je me dis : ouah, c’est bon d’être de retour », déclare-t-il.

« C’est une expérience qui force l’humilité. Je pensais que je contrôlais absolument tout, et cette expérience vient me rappeler que ce n’est pas le cas, et que ce n’est le cas pour aucun d’entre nous. Et lorsque l’on a besoin d’aide, il suffit de tendre la main et d’en demander. »

Eh bien, voilà! Et il n’en a pas fini avec le Platine et espère déjà l’atteindre une fois de plus tandis qu’il détient le grade d’adjudant-maître. 

Par : Emily Nakeff, rédactrice en chef